mercredi 7 septembre 2011

Contribution HKI Niger Amendement PN Niger 2011


COMMENTAIRES AU PROTOCOLE NATIONAL DE PRISE EN CHARGE DE LA MALNUTRITION



Depuis novembre 2005 le Niger dispose d'un Protocole National de Prise en Charge de la Malnutrition, déjà dans cette première version l'approche de prise en charge communautaire a été adoptée. Au cours des années, le protocole a été mis à jour; les derniers amendements remontent à juin 2009. La dernière révision du protocole a été, entre autres, dictée par la volonté du MSP d'intégrer les nouvelles normes de croissance de l'OMS (2006); malheureusement, la révision n'a pas tenu compte de plusieurs aspects des normes internationales qui ont été également révisées en 2009. Parmi les éléments mis à l'avant dans les normes internationales, il faut citer :
  1. Le document a réitéré l'importance de considérer le PB comme un critère indépendant d'admission aux programmes thérapeutiques. De plus, le seuil d'admission du Périmètre Brachial (PB) est passé de <110 mm à <115 mm.
  2. L'introduction de la notion de « gain de poids » dans les critères de sortie des programmes thérapeutiques

     
  • PB en tant que critère indépendant d'admission

 
Malheureusement, lors de la révision du protocole du Niger, certains éléments n'ont pas été clairement énoncés ou sont contradictoires, ils suscitent actuellement des controverses et constituent de vrais défis pour les prestataires des services PCMA sur le terrain. En premier lieu, l'aspect indépendant du PB en tant que critère d'admission n'est pas clairement ressorti et les indications diffèrent tout au long du document. Actuellement, les responsables nutrition du MSP et de l'UNICEF, recommandent d'utiliser le PB au niveau communautaire comme outils de dépistage et de référence aux structures sanitaires mais préconisent que l'admission soit déterminée par l'indice Poids selon la Taille (P/T) uniquement. Puisque les mesures du P/T et du PB n'identifient pas les mêmes enfants (seuls environ 40% des enfants sont sélectionnés par les deux mesures), plusieurs enfants identifiés sur la base du PB ne seront pas admissibles au programme, ce phénomène est généralement référé comme le « phénomène de rejet ».

 
La pratique de dépistage à deux niveaux entraîne plusieurs rejets et les conséquences sont souvent désastreuses, l'impact négatif de cette pratique a été largement documentée dans les dernières années. D'une part, la non-reconnaissance du PB en tant que critère indépendant d'admission représente un danger pour la vie des enfants car cette mesure constitue le meilleur indicateur de mortalité, les exclure du programme représente une décision qui peut être fatale pour la vie des enfants. D'autre part, puisque cette pratique entraîne inévitablement des rejets, elle suscite un mécontentement au sein de la population. Ainsi, elle peut créer une image négative du programme et un refus d'aller consulter à nouveau si la santé de l'enfant se détériore davantage; cela peut influencer également des mères d'enfants non encore dépistés car elles ont entendu parler du rejet des enfants de ses voisines ou amies et peuvent refuser de se présenter au centre de santé.

 
  • Critères de sortie du CRENAS

 
Puisque le PB n'est pas considéré comme un critère indépendant d'admission, il devient évident qu'aucun critère de sortie n'est prévu dans le Protocole National. Présentement, le Protocole préconise que les enfants soient admis au programme ambulatoire (CRENAS) uniquement sur la base du critère P/T (<-3 z-scores) et qu'ils soient déchargés lorsqu'ils atteignent un indice P/T > - 2 z-scores pour deux pesées successives en absence de CRENAM ou lorsque l'enfant a atteint un PT > -3 z-score s'il existe un programme CRENAM. Tel qu'indiqué, les critères d'admission ne sont pas conformes aux normes internationales qui recommandent que le PB et les œdèmes bilatéraux soient aussi considérés comme critères indépendants d'admission au programme ambulatoire. En ce qui concerne les critères de sortie pour les enfants admis sur la base du PB, Valid recommande une des options suivantes :

 
  1. PB > 115mm pour deux pesées consécutives OU
  2. Durée du séjour dans le programme d'au moins 8 semaines

 
Une autre alternative serait de se baser sur les recommandations des dernières normes internationales qui suggèrent une :
  1. sortie basée sur une prise de poids de 15%. Le même document précise que : Ces critères de sortie représentent une recommandation générale mais peuvent être augmentés jusqu'à un gain de poids de
    20% en fonction de la situation locale.

 
Cette dernière option n'est pas appuyée par Valid car elle n'est pas basée sur des données de recherche suffisantes et peut ne pas s'appliquer aux enfants qui sont très maigres car le pourcentage de 15-20% ne garanti pas que l'enfant ait atteint un seuil sans danger. Par ailleurs, le document de la déclaration commune indique que : « ….. Les critères de sortie des programmes de renutrition thérapeutique indiqués dans cette déclaration peuvent nécessiter quelques ajustements dans les années qui viennent avec l'évolution de la prise en charge de la MAS. » (p. 10).

 
Nous avons parcouru l'ensemble du Protocole National et nous avons identifié d'autres éléments qui devraient être considérés lors des prochaines réunions des « clusters nutrition » et pourraient être inclus dans de la révision du Protocole. Entre temps, il serait important que des notes de services soient émises afin de faciliter et accélérer les pratiques des prestataires sur le terrain. Parmi les éléments, nous pouvons mentionner :

 
  • L'inclusion des cas d'œdèmes de degré + et ++ dans les critères d'admission au CRENAS

 
Plus de dix ans d'expérience de mise en place de programme PCMA ont soutenu la capacité de traiter les enfants présentant des œdèmes bilatéraux +/++ en ambulatoire, cela sous la condition que l'enfant ait conservé un bon appétit pour consommer l'ATPE et ne présente pas de complications médicales. Le protocole actuel préconise que tous les cas d'œdèmes soient hospitalisés dans un CRENI/hôpital. L'expérience a aussi démontré que plusieurs parents refusent de se rendre dans ces institutions; ainsi, préconiser l'hospitalisation de ces cas constitue également un facteur pouvant entraver la prise en charge et la réhabilitation.

 
  • Catégories de sortie/Indicateurs de performance

 
Le Protocole National présente une fiche pour le « Rapport Mensuel » pour les activités du CRENAM, CRENAS et CRENI. Les différentes « catégories de sorties » sont utilisées pour calculer les indicateurs de performance. Quatre catégories font généralement partie du dénominateur des « sorties » : guéris, abandons, décès, non réponse au traitement; les trois premiers éléments sont comparés aux critères de performance internationaux. Par exemple, dans la fiche actuelle du CRENAS, le dénominateur des « sorties » comporte trois catégories supplémentaires : référés (au CRENI), transférés (dans d'autres CRENAS) et autres (erreurs d'admissions, etc.). Ces catégories ne devraient pas faire partie du dénominateur car ils vont « diluer » et donc influencer les indicateurs de performance, par ailleurs les « référés » et les « transférés » devraient être considérés comme des « mouvements » car 1) les « référés » vont revenir au programme et 2) les « transférés » vont rester dans le programme bien qu'ils seront servis dans un autres CSI/CRENAS.

 
  • Valeurs de référence des principaux indicateurs

 
Dans le tableau 27 du Protocole National (p. 45) des valeurs de référence sont indiquées pour les principaux indicateurs de performance des activités du CRENI/CRENAS. Certaines valeurs ne sont pas conformes aux pratiques internationales courantes :
  • Gain de poids : ≥ 8 g/kg/jr est la valeur acceptable indiqué. Dans les programme ambulatoire, cette valeur a été remplacée par ≥ 4 g/kg/jr. Dans les faits, cet indicateur n'est actuellement plus utilisé en tant qu'indicateur de performance car sa valeur est moins importante dans un contexte ambulatoire. Pour ce qui est du CRENI, avec l'introduction du volet ambulatoire, cet établissement joue souvent un rôle de stabilisation (aussi appelé Centre de Stabilisation) car l'enfant devrait être hospitalisé pendant quelques jours seulement (généralement entre 3 et 7 jours) afin de stabiliser le métabolisme et assurer que l'appétit revienne. Les objectifs du CRENI ne sont pas de gain du poids.
  • Durée du séjour : ici aussi on utilise des valeurs qui avaient été développées pour le CRENI (sans volet ambulatoire). Au CRENI, tel qu'indiqué précédemment, la durée moyenne devrait être entre 3 et 7 jours (ce qui correspond à la « Phase 1 » du Protocole de l'OMS + 1 ou 2 jours de « Transition »). Par ailleurs, tout comme pour la prise de poids, la durée de séjour ne fait plus partie des indicateurs de performance des programmes qui utilisent l'approche PCMA.

     
  • Traitement médical systématique

 
Le protocole médical systématique ne spécifie pas clairement le moment de l'administration de certaines molécules. Par exemple, les médicaments de déparasitage (Mebendazole/Albendazole) sont généralement administrés lors de la deuxième visite car ils sont mieux absorbés après reconditionnement du tractus gastro-intestinal après le traitement de l'Amoxicilline. En effet, ces molécules sont absorbées à partir de l'intestin par un mécanisme actif qui est plus efficace une fois que le tractus gastro-intestinal est libre d'infections. Le Protocole National n'indique pas le moment pour administrer ces molécules mais le Point Focal Nutrition, au cours de la journée d'orientation à Zinder, a indiqué que l'ensemble du traitement médical doit être administré à l'admission; cette information n'a pas été confirmée au niveau de Tillabéri où les agents continuent d'administrer le traitement à la deuxième semaine. Il serait avantageux que le Protocole soit davantage spécifique sur ce point.

 
La vaccination contre la rougeole : le Protocole National indique que tout enfant non vacciné devrait l'être au moment de l'admission au CRENAS. Dans ce cas aussi, les indications diffèrent des pratiques préconisées dans l'approche PCMA. En effet, sauf en cas d'épidémie de rougeole, il est recommandé de vacciner l'enfant à la 4ème semaine lorsque son système immunitaire sera renforcé suite à la prise en charge nutritionnelle.

 
Une dose d'Acide Folique est donnée en prise unique à tous les enfants admis au CRENAS. Il est à noter que la supplémentation systématique en Acide Folique ne fait pas partie des recommandations usuelles et ne fait pas non plus partie du protocole PCMA de Valid. En effet, l'ATPE contient suffisamment d'Acide Folique pour les besoins des enfants sévèrement malnourris. Un supplément n'est pas indispensable en absence de signes d'anémie. Cela dit, l'administration de cette molécule semble sans danger et les autorités médicales peuvent choisir de l'administrer systématiquement même si cela n'est pas nécessaire à la réhabilitation des enfants malnutris.

 
  • Ration d'ATPE

 
L'ATPE utilisé au Niger est le PlumpyNut®. La dose nécessaire pour chaque enfant est basée sur le poids de l'enfant. La ration recommandée dans le Protocole National ne corresponde pas à la ration normalement utilisées au niveau international car elle est basée sur un apport moyen de 175 Kcal/Kg/jour au lieu de 200 Kcal/Kg/jour. La ration basée sur un apport de 200 Kcal/Kg/jour tient en compte de possibles pratiques de partage avec d'autres enfants de la famille. Lors de la révision du Protocole National, il sera important de considérer cet aspect et, éventuellement, revoir la prescription.

 
  • Fiche d'admission au CRENAS & autres outils de suivi/rapportage

 
La fiche d'admission actuelle aurait aussi avantage à être révisée afin de la simplifier, en effet elle contient trop d'informations qui sont souvent longues à recueillir par le personnel infirmier déjà débordé (par exemple le titre des séances d'éducation auxquelles l'accompagnant a assisté).

 
Il est intéressant de noter que le PB est indiqué dans la fiche sous la rubrique « critères d'admissions », cela est en contradiction avec le protocole qui exclu le PB comme critère indépendant d'admission. En réalité, plusieurs sections du protocole présentent cette ambigüité (p. 24 Tableau 8 – Critères d'admission et Tableau 9 –Activités à réaliser pendant le suivi ; ainsi que dans le registre des admissions où la mesure du PB est indiquée à l'admission et à la sortie; etc.).

 
Au moment de la révision, il serait important d'inclure aussi la catégorie d'admission « autres » afin de permettre au personnel sanitaire d'admettre des cas qui ne correspondent pas aux critères établis mais qui présentent des signes évidents d'amaigrissement.

 
Par ailleurs, lorsqu'un enfant présente plus qu'un signe de malnutrition, la catégorie d'admission devrait être indiquée selon la gravité de la condition soit : œdèmes bilatéraux, PB, PT et autres. Cette distinction est importante si l'on considère une possible révision des critères de sortie qui devraient être différents selon la condition à l'admission.

 
  • Numéro d'identification unique

 
L'utilisation d'un numéro d'identification unique n'est pas clairement spécifiée dans le protocole. Il est important qu'un numéro d'identification soit attribué à tout enfant admis dans un service, soit CRENAM, CRENAS ou CRENI et cela selon le service où la première admission a eu lieu. Cette pratique permet de suivre l'évolution de l'état de l'enfant à travers chaque étape et aussi d'apprécier la qualité des soins dans chaque service.

 

 
Lionella Fieschi
Consultante PCMA
Valid International

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